Un Huster peut en cacher un autre

HusterPlus tout à fait un jeune premier, pas encore un adulte rayonnant, c’est l’inclassable du cinéma français. Peut-être à cause de dix ans de Comédie française qu’il traîne derrière lui. Mais, avec « Le Faucon », tout change. Huster nous fait le coup du flic à l’américaine. Il a vraiment du talent, cet oiseau-là… Un petit bistrot situé au cœur de l’île Saint-Louis, à Paris. Attablé devant une assiette de crudités, Francis Huster, qui a déserté le cours Florent et ses élèves pour une « pause-bouffe ». Première surprise : Huster manie avec une extrême dextérité l’alternance « une bouchée de pain-une gorgée de Coca-une phrase pour le journaliste ». Venu voir l’acteur qui voulut être Gérard Philipe, je me retrouve devant la vedette qui mange plus vite que son ombre ! Seconde surprise : ses cheveux ont viré du noir corbeau façon « Faucon » au profit d’un surprenant blond paille. Huster attribue la paternité de cette décoloration plus choc que chic à Andrzej Zulawski qui le dirige dans « La femme publique », une aventure à laquelle il croit beaucoup. « Je tiens dans ce film un rôle « à prix » qui me correspond tout à fait, souligne l’acteur. J’y incarne un metteur en scène despotique, un personnage complètement fou, comme je les aime ». Et puis on en vient à parler de « L’Os de cœur « , me pièce présentée au public en 1982. Il était à la fois Fauteur, le réalisateur et l’interprète. Pourquoi « L’os de cœur »? Parce que tout s’est déclenché pour Huster à partir de ce moment-là. Bien sûr, auparavant, il y avait ses dix ans de Comédie française, un mariage d’amour fou émaillé par cinq lettres de rupture-démission. Les enfants de cette liaison orageuse s’appellent « Hamlet » et « Lorenzaccio », entre autres. Comme on ne vit pas longtemps d’amour, de prestige et d’eau fraîche, Francis Huster tente également sa chance au cinéma Il tourne beaucoup sous la direction de Nina Companeez (« Faustine ou le bel été », « Colinot trousse-chemise », « Comme sur des roulettes »), Jeanne Moreau (« Lumière », « L’adolescente ») ainsi que Claude Lelouch (« Si c’était à refaire », « Un autre homme, une autre chance » et « Les uns et les autres »). Exception faite de ce dernier film, tous les autres constituent, à divers degrés, des déceptions au niveau du box-office. Le public est sans doute désorienté par le fossé existant entre Francis-le-perdant au cinéma et Huster-le-jeune-premier de théâtre. A choisir entre deux images, c’est cette dernière que l’on retient de lui à cette époque, même si elle ne correspond plus tout à fait à l’intéressé. Ce dernier décide alors de frapper un grand coup en montant seul « L’os de cœur » à la Gaîté-Montparnasse. L’acteur incarne ici un homme plaqué par sa maîtresse, et se livre pendant une heure trente à un monologue surprenant, autant par le fond que la forme. Le public marche, la critique un peu moins, sans doute décontenancée par un texte comprenant davantage de « merde » que de « j’expire » shakespeariens. Aujourd’hui, Huster ne regrette aucunement d’avoir tenté le pari : « Cette pièce a constitué une magnifique expérience pour moi, avoue-t-il ‘en avalant sa cent-soixantième gorgée de Coca.

Huster2D’une part, j’ai ainsi eu la possibilité de démontrer aux professionnels de théâtre que j’étais à même d’incarner autre chose que les jeunes premiers romantiques. Je leur ai aussi prouvé que je bénéficiais d’un public prêt à me suivre, quelle que soit la nature du matériel présenté. D’autre part, j’ai réussi à faire comprendre aux gens de cinéma que j’avais besoin d’eux et que je me tenais à leur entière disposition ». Je me hasarde alors à rappeler perfidement à Huster qu’il fût une époque pas si lointaine, où ces mêmes gens ne se montraient pas particulièrement tendres à son égard. « Oui, vous avez raison, acquiesce-t-il. J’étais traité de sale con, prétentieux et mégalo ». Cette remarque -est lancée d’un ton trop neutre pour ne pas surprendre. On sent que l’acteur a dû analyser et décortiquer ce jugement plus de mille fois avant d’en faire état si froidement. Francis Huster évoque ensuite sa période rose au cinéma : « Après « L’os de cœur », trois mousquetaires ont alors surgi à mon horizon. Le premier avait les traits d’ Elie Chouraqui qui m’a offert un fabuleux cadeau avec « Qu’est-ce qui fait courir David ». J’avais là une chance en or de défendre un personnage moderne, brillantissime et plein d’humour. Evidemment, lors de la sortie du film, critiques et professionnels me sont tombés dessus à bras raccourcis pour dénigrer ma performance. D’après eux, je ressemblais tellement au rôle qu’on ne pouvait pas parler de composition. De toute façon, ces gens-là ont toujours été durs avec moi. Surprenant, non ? ». J’ai à peine le temps de répondre avant que Francis-la-tornade-blonde ne s’aperçoive que ses élèves l’attendent au cours Florent. Vais-je mourir sans connaître le nom des deux autres mousquetaires qui, tagada tagada, sauvèrent Francis ? Que nenni car, en route vers son cours, le maître poursuit vigoureusement ses évocations chevaleresques. « Le deuxième mousquetaire, c’est Robin Davis qui, dans « J’ai épousé une ombre », m’a donné l’occasion de jouer sur un registre complètement souterrain et plus sobre. J’ai bénéficié, à cette époque, d’une presse favorable car « J’ai épousé une ombre » a récolté les fruits de « Qu’est-ce qui fait courir David ». La troisième roue du carrosse, c’est Paul Boujenah, le réalisateur du « Faucon ». Je tenais là un rôle éprouvant qui a permis de montrer que j’avais des épaules et des jambes, bref un corps, donc une autorité physique ». « Équateur » de Serge Gain-bourg confirme bien cette dernière affirmation. Présenté au Festival de Cannes en mai 1983, ce film y provoque des commentaires davantage axés sur l’anatomie du comédien que sur les qualités propres de l’histoire. « Dommage que trop de gens n’aient retenu que le côté choc d' »Équateur », se désole Huster. En tout cas, j’ai prouvé grâce à Gainsbourg que je pouvais être une espèce de torche vivante, un acteur fêlé qui fait de A à Z ce que son réalisateur attend de lui ». Arrivé devant sa salle de cours, il s’interrompt quelques secondes puis reprend dans un souffle : « De toute façon, je refuse de jouer des personnages qui ne me ressemblent pas.LA PESTE Ma démarche est pareille à l’auteur de théâtre qui écrit des nouvelles pièces pour dire ce qu’il n’avait pas révélé dans les autres. Je fais ce métier pour montrer à chaque fois que j’ai quelque chose en plus que l’on n’avait jamais vu auparavant ». Toujours cette soif de prouver qui tenaille Huster ! Ce dernier a beau clamer que seul compte le verdict du grand public, on sent bien poindre dans ses propos la volonté de d’abord plaire à ses pairs. Il est flagrant que le comédien ne respire essentiellement que pour son métier, encore et toujours. Qu’importe s’il le fait parfois un peu trop fort, en s’octroyant des satisfecit aussi nombreux que bruyants. Sa générosité est là pour effacer les rumeurs de mégalomanie qui courent à son sujet. Huster en est probablement conscient, lui qui n’est jamais aussi passionnant que face à ses élèves du cours Florent. La vedette obnubilée par son image s’efface ici au profit d’un acteur attentif aux dons de ses cadets. Ceux-ci ont pour noms Rodriguez, Frémont, Nanty et Allessandri, entre autres. Ils suivent religieusement leur prof du regard, soucieux de ne pas perdre une seule de ses réflexions. Maître Huster, très détendu, se montre d’abord sarcastique : « Si vous n’arrivez pas à trouver du boulot en France, tentez votre chance aux Etats-Unis. Là-bas, au moins, ils font travailler les monstres… comme Sally Field, Liza Minnelli ou Meryl Streep ». Il commente ensuite sa soirée de la veille : « Hier soir, j’ai été voir « Octopussy ». Roger Moore, mes enfants, quel fabuleux sourire ! Il n’a que ça, mais c’est déjà bien ». Entre deux indications de jeu, une pause-goûter réunit Huster et ses apôtres affamés. On s’arra-che goulûment éclairs au chocolat, chaussons aux pommes et autre Coca-Cola. Puis, le cours reprend de plus belle. La classe terminée, les élèves se dispersent dans la plus joyeuse des pagailles tandis qu’Huster, lui, s’éclipse discrètement. J’en profite alors pour demander à une « adepte » son opinion sur le maître. La pupille frémissante, elle me répond aussitôt : « Francis ? C’est un fou génial. Il donnerait du talent même à une chaise ! ».

La vidéo ? un soutien-gorge !

Huster4 » La vidéo, c’est ‘ à la fois comme un soutien-gorge et un slip. Un soutien-gorge, parce que c’est près du cœur. Un slip, parce que quand c’est bien, ça prend aux tripes…  » L’auteur de cette inoubliable citation : Francis Huster, évidemment. L’auteur avoue être un allumé de la vidéo très particulier : « Je ne possède pas de magnétoscope car si tel était le cas, je resterais cloitré chez moi 36 heures sur 24 à me gaver de films « . La solution idéale, alors ? Le magnétoscope et le salon des autres, bien sûr !  » J’ai un copain qui possède 400 cassettes environ et qui me convie souvent à des séances vidéo mémorables. Mon plus grand plaisir consiste à pratiquer l’arrêt sur image lorsqu’une séquence me plaît « . Les critères du choix de Francis ? L’interprétation des acteurs, essentiellement. Ainsi, sa vidéothèque idéale comprendrait  » Ivanohé  » pour Liz Taylor et George Sanders,  » Une place au soleil  » pour Montgomery Clift,  » Copie conforme  » pour Louis Jouvet,  » Tom Horn  » pour Steve Mc Queen, « Le train sifflera trois fois  » pour Gary Cooper,  » La fièvre dans le sang « pur Nathalie Wood et Warren Beatly. Tout cela sans oublier les films que Raimu a tournés sous la direction de Marcel Pagnol. L’antagonisme vidéo/cinéma ? Francis Huster le réfute d’un  » Pfouitt  » des plus vigoureux :  » Aujourd’hui, la vidéo est au cinéma ce que la pharmacie est à la médecine. Complémentaire, un point c’est tout « . Elémentaire, my dear Francis…

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