Michel Denisot

Michel DenisotIl souhaite que la télévision ne soit plus un robinet à images. Il veut bouleverser la diffusion du sport sur le petit écran. La vidéo, pour lui, c’est champion. Michel Denisot fait ce qui lui plaît… et il le dit sportivement. Entretien Pascal Le Gleut.

Vos ennemis disent que durant l’émission « Champions » vous essayez toujours d’éviter les polémiques. Qu’avez-vous à répondre ?

Les mauvaises langues, je ne pourrai jamais les faire taire. Le problème, c’est qu’elles sont généralement mal informées. Quand Desproges a dit que la speakerine avait un beau cul, je ne lui ai pas cloué le bec. Quand Balavoine et Coluche ont balancé des vannes, je ne les ai pas empêchés de parler. Lorsque j’invite tous ces gens, je sais ce qui m’attend et je souhaite qu’il se passe quelque chose. S’il y a des personnes qui se tapent sur la gueule pendant l’émission, ça fait une excellente publicité. Et que ceux qui disent qu’il n’y a pas de polémiques viennent les faire eux-mêmes. Simplement, je ne veux pas de querelles confidentielles, mais des débats grand public. Quand Trintignant a parlé de la disqualification des Lads dans le Paris-Dakar, je suis intervenu car son histoire concernait certainement plus les téléspectateurs d’ « Auto-moto » que ceux du dimanche après-midi.

La presse sportive vous reproche également de ne pas consacrer assez de temps au sport. Quelle réplique opposez-vous à vos détracteurs ?

Je leur dis qu’il faudra juger l’émission sur [ensemble d’une année et non pas sur les deux ou trois dernières émissions. Car il y a des périodes où les événements sportifs, le dimanche, sont nombreux et d’autres pas. Le principe de « Champions » est simple, nous programmons du sport quand il y a un événement. L’objectif étant de satisfaire un public assez vaste, quand il y a un spectacle sportif toute la famille le regarde. On entre bientôt dans une période où il va y avoir beaucoup de sport le dimanche avec la Formule 1, le tennis, le cyclisme, etc. et les fans de sport vont y trouver leur compte. Et puis l’aspect positif du système de « Champions » est que le sport fait plus d’écoute quand il est inclus dans un programme que lorsqu’il est isolé dans une tranche purement spécialisée. C’est un bon moyen également de rendre plus populaires des sports méconnus.

Justement, comptez-vous développer la diffusion de sports mal connus, mais néanmoins très spectaculaires sur le plan télévisuel ?

Michel Denisot2On a déjà diffusé une heure de natation synchronisée et plus récemment du hockey sur glace avec les Jeux Olympiques. Mais il y a d’autres sports que nous allons montrer dans la mesure où, comme vous le soulignez, ils ont un côté spectaculaire. Je prends l’exemple de l’athlétisme, qui n’a pas un grand public en France, pour lequel je suis .en train de monter un tournoi des Masters du saut à la perche. Je souhaiterais le faire pour d’autres sports comme le judo ou encore essayer de monter des tentatives de records. Quand il y a du suspense, un spectacle, on touche tous les publics. Mais retransmettre des matchs d’intérêt moyen avec trois pelés dans la salle, je trouve que ça ne rend service à personne, ni à l’émission ni au sport en question.

L’émission qui a eu lieu à Monte-Carlo, en association avec la Rai (télévision italienne), a paru quelque peu embrouillée. Quels enseignements tirez-vous de cette expérience et êtes-vous prêt à la tenter Une nouvelle-fois?

Embrouillée, c’est le moins que l’on puisse dire. Le problème, c’était que l’Italie jouait les maîtres d’œuvre. Si nous tentons à nouveau l’expérience, il faudra que nous soyons les organisateurs. De toute façon, la veille de l’émission je pensais vraiment que ce serait un naufrage complet. Disons que nous avons sauvé les meubles.

Si vous deviez dresser un bilan de « Champions » après huit mois d’activité, quels seraient les points positifs et les points négatifs que vous retiendriez ?

Je pense qu’on a réussi à faire adopter, par le public, le mélange des genres. C’est le point le positif. Il y a également le fait que nous ayons l’antenne en direct pendant trois heures, et je me suis aperçu qu’il était très difficile de fidéliser les téléspectateurs. Malgré cela, nous avons constaté que l’audience progressait régulièrement et qu’il n’y avait jamais de chute. L’audience était d’environ 7 % avant. « Champions », aujourd’hui elle se situe entre 15 et 20 %, Voilà pour l’aspect positif. Côté négatif, il y a. beaucoup de choses à améliorer. Déjà, c’est difficile de faire une émission populaire sans tomber dans les standards. En fait, je rêve d’être un révélateur de talents que ce soit en cinéma ou en musique. Pour le reste, je ne vois pas bien les côtés négatifs (rires). Attention, je suis toujours très à l’écoute de ce que l’on me dit à propos de l’émission.

Comment se métamorphose-t-on en animateur lorsqu’on est journaliste sportif ?

Je ne suis pas d’accord avec l’appellation journaliste sportif, de cinéma ou économique. Je suis journaliste et c’est tout. Les variétés ou le cinéma sont des domaines de l’actualité au même titre que la politique. Vous savez, les gens connaissent mieux les chansons de Sardou que la situation au Liban. La musique et le cinéma sont des phénomènes de société. Les magazines d’informations comme Le Point, L’Express ou le Nouvel Observateur ont tous deux ou trois pages consacrées aux variétés.

Racontez-nous un peu votre itinéraire…

Michel Denisot3J’ai commencé à collaborer à un quotidien de l’Indre, Centre Presse, à l’âge de 15 ans. C’est à partir de ce moment que j’ai su que je serais journaliste. Après le service militaire, j’ai tenté d’entrer dans une station régionale de l’Ortf à Limoges. J’ai tellement apitoyé le directeur que, pour 600 F par mois, en 68, il m’a chargé de faire les journaux du matin. Seuls les Renseignements généraux, le préfet et ma mère devaient écouter mon émission (éclat de rire) sur Radio Limoges. Ensuite, ce fut la télévision régionale et enfin Paris. J’ai travaillé un peu pour la première chaîne et puis rapidement pour la troisième chaîne qui venait d’être créée. En 75, ce fut la dissolution de l’Ortf et je me suis retrouvé au journal de 13h, sur TF 1, avec Yves Mourousi. Après je suis allé au service des sports où je suis toujours rédacteur en chef adjoint. Aujourd’hui, je fais l’émission « Champions » et une émission sur Radio Monte-Carlo où je collabore depuis six ans.

Quel est votre rêve en tant que journaliste sportif?

Je souhaite que la télévision ne soit plus seulement un robinet à images. J’aimerais qu’une chaîne soit à l’origine de différentes manifestations. J’ai un projet, par exemple, qui consisterait à organiser une soirée de la boxe avec, à 20 h 30, le film « Rocky » et après un grand combat de boxe en direct. Plus concrètement, nous devons faire le 2 mai une nuit du football, à l’occasion de la dernière soirée de championnat, de 21 h 30 à minuit. Il y aura une grosse partie sportive autour de laquelle viendront se greffer des variétés et du cinéma. Ce qui est intéressant, c’est que finalement il n’y a pas de grosses différences entre le sport et le spectacle car tout le monde fait de la compétition. En plus, les champions d’aujourd’hui ne sont pas traumatisés par un micro et sont très proches des gens du cinéma dans leurs rapports avec la télévision.

Peut-on résister facilement au vedettariat ?

On n’est pas vedette à la télévision, c’est la télévision qui est la ‘vedette. La notoriété ne me dérange pas du tout. Quand les gens me reconnaissent dans la rue, je trouve que c’est très agréable. Le contraire serait inquiétant. Et puis il n’y a plus de « monstres » du petit écran. Zitrone, Martin, Drucker son certainement les derniers.

Regardez-vous la télévision des pays voisins ?

Michel Denisot4Je n’ai pas tellement le temps. L’expérience qui m’intéresse le plus est celle de Canal 5 en Italie. Cette chaîne privée organise tous les ans le Mundialito de football avec les meilleures équipes du monde. C’est une réussite totale. Il faut savoir que le sport n’existe plus sans la télévision, et je considère que les organisateurs de manifestations sportives ont en général vingt ans de retard dans leurs rapports avec la télévision.

Par rapport à d’autres pays, comme les Etats-Unis, ne sentez-vous pas qu’en France la télévision a du mal à évoluer ?

La télévision est un peu comme une vieille fille que Ion connaît et dont on croit avoir fait le tour. si j’ose dire. On est de plus très conservateur. C’est pour cela que j’aime bien changer de style. J’ai un projet pour le 8 avril, à l’occasion de Paris-Roubaix cycliste. Il s’agit de faire toute l’émission en direct sur la route de Paris-Roubaix avec trois hélicoptères, une moto qui nous filme à l’intérieur d’une sorte de voiture-studio et avec en plus différents arrêts où un podium nous attend pour la partie variétés.

Pratiquez-vous un sport ?

Je fais du squash régulièrement. Pour le reste, j’essaie de toucher à tous les sports et surtout de vaincre la peur. Pour cela, je me lance dans des sports dits dangereux.

Possédez-vous un magnétoscope?

J’ai un magnétoscope depuis peu de temps. Pour le moment, j’enregistre simplement « Champions » pour travailler sur l’émission par la suite. Mais j’avoue que l’on est très mauvais juge de sa propre prestation. Je téléphone à quatre ou cinq amis pour avoir un point de vue objectif. Ils ne me font aucune concession. J’appelle par exemple Jean-Claude Killy.

Que pensez-vous de l’apparition en France des nouveaux médias comme Canal Plus, le câble ou le satellite ?

J’ai hâte que tout ça arrive. J’espère que Canal Plus sera à la télévision ce qu’ont été les radios périphériques à la radio d’Etat. On va être obligé de se bouger. Attendons quand même pour voir ce qui va changer.

Avez-vous, actuellement, toute la liberté d’action que vous souhaitez ?

Je n’ai pas à me plaindre. En ce qui .concerne « Champions », on a accordé une confiance énorme aux deux productrices et à moi-même. C’est formidable que TF 1 ne soit pas allé chercher des gens à l’extérieur.

Pour conclure, dites-moi franchement, faites-vous des complexes vis-à-vis de Drucker ?

Pas du tout (rires). Je vais vous sortir tout le répertoire : nous avons les mêmes initiales, nous sommes tous les deux journalistes sportifs, nous faisons des variétés. C’est un concours de circonstances très heureux pour lui, je l’espère, et pour moi. Je pense que dans deux ans, on ne me le dira plus. Quand je suis né, ma mère n’a pas appelé la mère de Drucker pour savoir qu’elle était la couleur de sa barboteuse afin que j’aie la même…

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